Le premier moteur à explosion (du moins, le premier brevet le concernant) date de 1807 : un
monocylindre créé par François Isaac de Rivaz.
Mais l’homme, aussi inventeur et fou soit-il, ne se complique pas toujours la vie pour rien ! Donc, si
les multicylindres existent depuis tant d’années maintenant, c’est bien qu’il y a un profit technique à
cela (nous n’avons pas toujours vécu une époque de « loisirs » telle que nous la vivons de nos jours...).
Nos motos sont équipées de moteurs à 4 temps (admission – compression – détente – échappement), dont vous
pouvez voir le principe de fonctionnement ici.
Comme vous pouvez le constater, un seul de ces 4 temps (la détente) sert à faire avancer la moto. De ce
fait, avec un monocylindre, l’effort est fourni par le moteur pendant seulement un quart du temps de
fonctionnement. Par contre, sur un bicylindre et avec un réglage « alterné » du fonctionnement des
pistons, il l’est pendant la moitié du temps, sur un trois-cylindres, pendant les trois-quarts du temps,
alors que sur un quatre-cylindres, l’effort est théoriquement constant.
Plus on rajoute de cylindres, plus le fonctionnement du moteur est onctueux...sachant que la solution
assurant la meilleure régularité cyclique est le moteur à 12 cylindres. Vient s’ajouter l’architecture du
moteur qui fait par exemple que le V10, ayant une régularité légèrement inférieure (toujours en théorie
bien entendu) au V12, est plus fiable que ce dernier, ceci pour des raisons qui, pour le moment,
m’échappent !!!
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C’est à ce moment là qu’entre en jeu le couple, dont la formule « basique » de calcul est la
suivante :
couple (Nm) = puissance (kW) / régime moteur (rad/s) |
Sachant que nous utilisons nettement plus facilement le tr/min comme unité de régime moteur et que :
1 tr/min (ou 60secondes) = (2 pi)/60 = pi / 30 radians/seconde
Nous obtenons donc :
couple (Nm) = Puissance (kW) / n (tr/min) * (pi / 30) |
Si l’on se fie à ce qui a été écrit au dessus, plus on augmente le nombre de cylindres, moins le couple
fourni par chacun d’entre eux est important dans le même temps imparti, et vice versa, plus on diminue le
nombre de cylindres, plus le couple fourni sera important par chaque cylindre dans le temps imparti.
Bien entendu, cette méthode de calcul n’est que théorique et ne donne pas le résultat effectif à
l’utilisation du moteur dans nos belles. D’autres éléments entrent en ligne de compte, tels que la
puissance dont ont besoin des éléments tels que l’alternateur, la pompe à eau, la pompe à huile, etc.
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Par ailleurs, vous avez tous remarqué qu’en règle générale, plus le nombre de cylindres est élevé,
moins il vibre.
Ce phénomène est lui aussi facilement compréhensible :
Dans un monocylindre, la cylindrée est supportée par un seul et unique piston (je sais, c’est tout à fait
logique !), alors qu’à cylindrée égale pour un quatre-cylindres, elle est supportée par 4 pistons, qui
font chacun le quart de la taille de celui du monocylindre.
Prenons l’exemple du piston d’un moteur tournant à 9.000 tr/min avec une course de 50 mm :
Dans notre exemple, notre piston fait 150 allers/retours par seconde et s’arrête donc 300 fois pour
repartir dans l’autre sens.
Un calcul rapide va nous permettre de déterminer la vitesse moyenne du piston :
Durée d’un aller/retour du piston :
60 / 9000 = 0,0066 s
Distance parcourue par le piston durant un aller/retour :
50 * 2 = 100 mm
Vitesse moyenne du piston :
100 / (60/9000) = 15.000 mm/s = 15 m/s = 54 km/h
Ceci n’est donc qu’une vitesse moyenne ! Je vous laisse imaginer la brutalité de chaque aller-retour du
piston, et surtout la force encaissée par celui-ci (et par le moteur en général)...de 0 à 54 km/h 300
fois par seconde...et de 54 à 0 km/h 300 fois dans cette même seconde !!! Ce sont ces chocs qui forment
les vibrations.
Dans un monocylindre, le moteur restitue ces chocs de façon brute. Par contre, lorsque d’autres cylindres
constituent le moteur, sachant que leur mouvement est alterné, les forces, en théorie, s’annulent entre
elles, ou, pour rester réaliste, s’atténuent grâce à la force exercée par les autres pistons.
Donc, logiquement, plus nous avons de cylindres, moins les vibrations se ressentent. Là aussi
l’architecture du moteur entre en ligne de compte : le flat-twin par exemple. Les pistons étant
pratiquement l’un en face de l’autre et le mouvement de chacun d’entre eux étant presque parfaitement
opposé à l’autre, les forces ne s’annulent pas tout à fait, mais elle n’en sont malgré tout pas bien
loin.
L’idéal pour que les forces s’annulent serait normalement d’avoir 6 cylindres en ligne !
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Le fait de multiplier le nombre de cylindres permet au moteur de tourner plus vite. En effet, si l’on
se reporte aux mouvements et surtout au nombre d’accélérations et de ralentissements d’un piston comme je
vous l’ai décrit ci-dessus, il n’est pas bien difficile d’imaginer ce que les bielles doivent supporter
comme contraintes, sachant qu’elles sont composées (les contraintes !) par l’inertie du piston, la
pression des gaz (la plus importante puisqu’elle correspond à la « détente »), mais aussi par des efforts
parasites qui sont inhérents à la conception de tout moteur (frottements par exemple...). Il va donc de
soi que chaque élément a une résistance mécanique qui lui est propre, et surtout qui définit le régime
maxi du moteur!
Prenons par exemple deux moteurs monocylindres conçus avec les mêmes matériaux. Le premier a une
cylindrée de 125 cm3, le second 1000 cm3.
Les cotes de notre monocylindre de 125 cm3 sont de 54 mm pour l’alésage et 54 mm pour la
course. Pour passer au 1000 cm3, nous avons multiplié toutes les cotes par 2
(alésage, course, ...), soit 108 mm pour l’alésage et 108 mm pour la course.
Pour vérification, le calcul du volume (approximatif) d’un cylindre est le suivant :
V = 0,785 * diamètre2 * hauteur
V = 0,785 * 542 * 54 = 123,6 cm3
V = 0,785 * 1082 * 108 = 988,9 cm3
En multipliant les cotes par 2, nous avons donc augmenté la cylindrée par 8 !!! Mais ce n’est pas
tout...nous avons aussi multiplié la masse de toutes les pièces par 4, puisque, par exemple, le piston du
1000 cm3 est 4 fois plus grand que celui du 125 cm3. Or, pour un même régime,
l’accélération est multipliée par 2 du fait que la course du piston est elle-même multipliée par 2 !!!
Ceci nous démontre que les forces dues à l’accélération sont schématiquement multipliées par 16 !!!
D’autre part, les sections des pièces qui subissent ces efforts sont multipliées par 4. Les contraintes
ont donc été multipliées par 16/4=4, sachant qu’une contrainte est une force divisée par la section de
métal qui supporte cette force.
Pour que le moteur de 1000 cm3 puisse supporter le même régime moteur que le 125 cm3, il
faudrait qu’il soit construit avec un métal 4 fois plus résistant que celui du 125 cm3, sous peine
d’exploser !!!
A matériau identique, le régime moteur supporté par le 1000 cm3 serait égal à la moitié de
celui du 125 cm3.
Autre cas, prenons deux moteurs constitués du même matériau, et de cylindrée identique, mais l’un étant
un monocylindre et l’autre un bicylindre. Le régime maximum permis par la résistance des matériaux est
inversement proportionnel à la racine cubique de la cylindrée unitaire. De ce fait, la vitesse de
rotation admise est 1,26 fois supérieure pour le bicylindre par rapport au monocylindre. Par exemple, si
un monocylindre de 500 cm3 peut tourner à 7500 tr/min, un bicylindre de 500 cm3
constitué des mêmes matériaux pourra tourner à un régime maxi de 7500 x 1,26= 9450 tr/min, soit presque
2000 tours plus vite, ce qui est loin d’être négligeable !
Mais comme tout n’est pas toujours beau dans le meilleur des mondes, il serait bien trop simple que la
multiplication des cylindres ne donne lieu qu’à des avantages !
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Le premier désavantage qui fait que nous ne roulons pas tous en 24 cylindres est l’encombrement. En
effet, plus un moteur est constitué de cylindres, plus il prend de la place, principalement en largeur
(sans compter l’alternateur que certains constructeurs mettent en bout de villebrequin sur des 4
cylindres histoire de les rendre encore un peu plus larges !). Or, sur une moto (qui je vous le rappelle
au cas où vous l’auriez oublié, tourne en penchant !), plus le moteur est large, plus il faut le placer
haut dans le chassis pour éviter qu’il frotte, et plus le moteur est haut, moins bonnes sont la tenue de
route et la maniabilité.
Le second désavantage est le poids. En effet, la multiplication du nombre de cylindres augmente
inexorablement la poids du moteur (toujours en utilisant la même technologie bien entendu...inutile de
comparer un moteur en fonte à un moteur en magnésium !). Et il va de soi que plus le moteur est lourd,
moins la moto est maniable.
La combinaison de ces deux désavantages nous amène à la conclusion qu’un moteur avec un nombre de
cylindres inférieur à un autre de même technologie et de même cylindrée sera plus facilement logeable
dans un chassis afin d’optimiser la maniabilité et la tenue de route de la moto.
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Comme vous pouvez le constater, tout ceci est bien compliqué et rien n’est laissé au hasard. Il y a
certainement encore quantités de choses perfectibles dans la construction d’un moteur afin d’en optimiser
le fonctionnement et le rendement. Mais s’étaler sur toutes les caractéristiques ne nous apporterait pas
grand chose de plus pour le moment. La seule chose à retenir est que si nous, motards que nous sommes,
accordons plus d’attention que les automobilistes à tous ces détails qui forment nos moteurs, ce n’est
pas uniquement parce que nous sommes passionnés, mais c’est aussi parce que tous ces petits détails sont
nettement plus "visibles" et "palpables" sur nos machines, à cause du (ou grace au ?) fait que nos
moteurs représentent proportionnellement une masse plus importante sur nos motos et que de ce fait, le
moindre détail est amplifié, surtout les défauts !
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Pour discuter de cet article : Forum Bicylindre SPDT