Fonctionnant sur les mêmes principes que le freinage automobile, le freinage moto doit à la fois stopper
efficacement le véhicule mais également permettre au pilote de garder l’équilibre et le contrôle de la moto
en toutes circonstances. Ce sont ces spécificités qui conduisent les constructeurs à sans cesse améliorer et
développer les performances des systèmes de freinage. Au cours de cette partie, nous n’allons pas passer en
revue tous les éléments de freinage, mais nous nous contenterons de définir généralement ce qu’est le
freinage. Nous intégrerons les aspects mécaniques et électroniques de manière à bien comprendre les
particularités liées à la moto. On ne négligera pas l’aspect partie cycle, sachant que d’autres paramètres
mécaniques, tels que les pneumatiques, la rigidité du châssis, la fourche, la suspension et le frein moteur,
interviennent directement dans l’efficacité du freinage.
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Dans ce paragraphe, nous entendrons par moto classique, les motos de petite cylindrée, peu performantes,
légères et bon marché.
Ce type de moto est principalement utilisé pour un usage urbain, quotidien, voir même professionnel, par
des pilotes moyennement expérimentés ne recherchant aucunement la performance. De plus ces derniers
désirent une fiabilité maximale dans le temps, et éviter toute action de maintenance. C’est pour cela que
les constructeurs utilisent encore à l’arrière des freins à tambours, et généralement un mono-disque à
l’avant.
De manière à tirer les prix vers le bas, les constructeurs utilisent des systèmes et des matériaux bas de
gamme. Les disques sont encore en fonte, les étriers sont en acier et de fixations classiques, et ne
contiennent qu’un seul piston et qu’une seule durite en simple caoutchouc.
Nous remarquerons aussi que la partie cycle en général est « peu efficace ». La fourche est de petit
diamètre, les ressorts qui la composent sont de raideur très faible et baignent dans une huile très fluide.
Les roues sont encore à rayons et le cadre de la moto est constitué de simples tubes d’acier. Autant dire
que lors de fortes sollicitations, comme lors d’un gros freinage, la résistance globale à la torsion est
vraiment peu élevée, ce qui diminue à nouveau l’efficacité du freinage à cause de la plongée de la fourche
et du transfert de masse très important de l’arrière vers l’avant de la moto.
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Les motos de grosse cylindrée actuelles, sont toutes très performantes, et bénéficient des dernières
technologies en matière de freinage, d’aide au freinage et d’assistance au freinage. Que ce soit sur les
roadsters de moyenne cylindrée, les sportives ou les routières, le freinage est en général bien plus
impressionnant que l’accélération elle-même. De plus l’utilisateur est généralement friand de sensations
fortes, et se rend souvent sur un circuit pour exploiter en toute sécurité le potentiel de sa machine.
Cette dernière se doit donc de bénéficier d’un freinage hors pair. Pour cela un panel de matériaux et de
géométrie des pièces est disponible chez les différents constructeurs.
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La catégorie des roadsters est définitivement la plus répandue dans le monde de la moto.
Les roadsters sont généralement issus de la gamme sportive du constructeur, reprenant les technologies de
cette dernière. C’est pour cela que nous retrouvons des systèmes et des matériaux très évolués.
Principalement réservé à une catégorie de pilotes expérimentés, les motos sportives concentrent
continuellement les innovations technologiques en terme de freinage. Reprenant les technologies des
Superbikes et MotoGP, la plus grande évolution en matière de freinage, ces dernières années, fut
l’introduction des étriers radiaux. Ces étriers ont les avantages de répondre plus facilement à une
pression faible sur le levier de frein et de ne pas provoquer d’usure en biais des plaquettes de part
leur symétrie quasi parfaite. Le rendement s’en trouve alors amélioré. Ils apportent ainsi au freinage
un feeling exceptionnel, un mordant et une endurance encore inconnus sur ce créneau de motos.
L’étrier radial est le plus souvent taillé dans la masse à l’aide de machine à commandes numériques
permettant d’optimiser la fabrication en employant des matériaux nobles (contrairement aux étriers de
fonderie) et maîtriser parfaitement les épaisseurs de matière. Les pistons qui les composent sont
réalisés en alliage d’inox afin d’isoler au maximum l’étrier de la chaleur des plaquettes (l’inox est
13 fois moins conducteur de la chaleur que l’aluminium) et aussi pour garantir une insensibilité
parfaite à la corrosion. Les pistons sont décalés par rapport au centre de poussée des plaquettes pour
permettre une usure constante et régulière de ces dernières. La rigidité exceptionnelle de ces étriers
est due d’une part à leur type d’usinage et d’autre part au système de liaison des deux parties des
étriers. La forme conique spécifique des 2 pontets reliant les 2 parties de l’étrier permet de rigidifier
l’étrier et réduit au minimum son ouverture longitudinale lorsqu’il est sollicité. Les conséquences en
sont un freinage incisif et un temps de réponse très court, un levier et une course de levier constants.
Enfin les étriers radiaux sont grenaillés de manière à mettre leur surface en compression afin d’éviter
toute éventuelle propagation de fissures en fatigue.
Nota : Le grenaillage est un processus de fabrication consistant à projeter à
haute vitesse sur la pièce des microbilles ayant pour rôle de comprimer la « peau » et ainsi limiter les
amorces de fissures. Ce procédé a été découvert presque par hasard, lorsque nous nous sommes rendu compte
que les pièces qui venaient d’être décapées par sablage tenaient mieux en fatigue que les pièces non
décapées.
Le constructeur américain Buell utilise une alternative très intéressante aux étriers radiaux. En effet,
ces motos sont équipées d’étriers classiques, mais dont le montage est périmétrique.
L’avantage de ce système réside uniquement dans un gain de poids. En effet le disque étant fixé sur le
périmètre de la jante, les efforts de freinage sont directement transmis du disque au pneu, sans passer
par la jante. Ainsi cette dernière peut être plus fine et donc plus légère qu’une jante classique, et si
elle est réalisée en aluminium forgé sera alors aussi plus rigide. Ce gain de matière se répercutera
directement sur le comportement général de la moto, car l’effet gyroscopique des roues sera moindre. De
plus la piste de freinage étant plus grande, un seul disque est alors nécessaire.
Nous avons vu que les durites classiques en caoutchouc présentent un inconvénient lors des gros freinages,
à savoir une dilatation. Pour remédier à ce problème, et ne pouvant pas utiliser des durites en métal, les
ingénieurs ont fait un « mélange » des deux solutions. Une durite en caoutchouc ou en nylon sur laquelle
vient s’enrouler un tressage en acier afin d’empêcher cette dilatation. Ces durites portent le nom de
« Durites Aviation », et sont couramment utilisées.
Elles présentent l’avantage de garder une constance du freinage dans le temps, notamment lors de gros
freinages qui dissipent beaucoup de chaleur et qui font facilement se dilater les durites classiques.
De plus elles permettent d’obtenir une meilleure « attaque » et un meilleur mordant en début de phase de
freinage.
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Les motos routières représentent en quelque sorte les vitrines technologiques des constructeurs. Ces motos
sont l’anti-chambre des sportives, même si ces dernières se veulent aussi les fleurons technologiques des
constructeurs. Les systèmes mécaniques de freinage restent les mêmes, en revanche les systèmes
électroniques d’aide au freinage sont ici totalement novateurs.
Nous retiendrons par exemple l’apparition de l’ABS (Anti-Blocking System) en 1988, afin d’équiper une
minorité de motos de la célèbre marque BMW. Seuls quelques constructeurs se sont intéressés à ce système,
(les japonais principalement).
Aujourd’hui cet équipement tend à se généraliser sur les routières et même
sur certains roadsters. Lors de situations de freinage d’urgence, où un manque de concentration,
d’expérience, la fatigue ou même une détérioration de la chaussée, sont possibles, il peut devenir très
difficile pour le conducteur de doser correctement son freinage et de garder son équilibre. Compte tenu
de la sensibilité de l’opération de freinage lors d’une décélération maximale, l’ABS a pour rôle de
répartir le freinage entre la roue avant et arrière de manière à empêcher le blocage des roues en
prévenant le glissement des pneumatiques. Une des difficultés majeures est la maîtrise des pertes
d’adhérence autrement dit éviter le blocage de roue, souvent synonyme de perte de contrôle. L’ABS
intervient en contrôlant la pression appliquée à l’étrier avant et arrière. Ce système est composé d’un
calculateur qui, à l’aide de capteurs, contrôle la vitesse de rotation des roues.
La plus petite amorce de glissement d’un pneumatique est détectée, en mesurant la différence de vitesses
relatives des roues avant et arrière, conduit la centrale électronique à déclancher le fonctionnement
d’un régulateur de pression géré par électronique et à stopper le glissement grâce a une succession de
cycles « relâchement, maintien, augmentation » de la pression hydraulique.
Le constructeur Honda a fait évoluer ce système en développant le CBS, freinage combiné, puis le DCBS
(D pour Dual). Le CBS permet, lorsque la pédale de frein arrière est actionnée, de solliciter en même
temps un des trois pistons de l’étrier avant, répartissant ainsi au mieux le freinage.
Le DCBS pousse plus loin le principe du freinage couplé en cela que les deux freins (avant et arrière) sont
actionnés simultanément et indépendamment de la commande utilisée (levier ou pédale). Ainsi la pédale agit
de paire sur les disques avant et arrière, à la différence du CBS, et le levier qui commande les disques
avant intervient également sur l’arrière. Le secret réside dans un petit système mécanique qui exploite le
couple de rotation qu’exerce sur son support l’un des étriers avant, lorsqu’il est sollicité pour
alimenter un maître cylindre secondaire. Celui-ci applique alors à son tour une pression correspondante
à l’étrier arrière par l’intermédiaire d’un système de régulation.
Toutefois, ces aides électroniques ne raccourcissent pas les distances de freinage, au contraire, et un
freinage classique bien dosé sera toujours plus court qu’un freinage aidé électroniquement.
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Les motos de course sont des laboratoires roulants. Toutes les innovations, tous les développements des
motos de route naissent sur circuit, et les systèmes de freinage en sont le meilleur exemple. Dans la
suite de ce paragraphe, nous retiendrons deux types de motos de course, les Superbikes qui sont en fait
des motos de route complètement modifiées, et les MotoGP qui sont des prototypes uniques, aux
performances hors du commun, un peu comme la Formule 1 dans le domaine de l’automobile.
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Le règlement FIM (Fédération Internationale de Motocyclette) impose aux motos de Superbike d’avoir
comme base une moto de route. Bien évidemment, chaque constructeur sélectionne la moto sportive de sa
gamme, afin d’avoir la « base » la plus performante possible. Les modifications autorisées concernent
majoritairement la partie cycle de la moto, et quelques éléments internes au moteur. Ainsi, les
Superbikes se voient dotées d’éléments de suspension hautement perfectionnés, de systèmes de freinage
très performants et de pneus slicks. Tous ces changements influent considérablement sur le freinage de
la moto, qui n’a alors plus grand-chose à voir avec la moto de série. Néanmoins, afin de toujours
améliorer les performances, les constructeurs munissent de plus en plus directement leurs motos de série
d’éléments issus du Superbike, de manière à avoir par la suite la meilleure moto sur circuit.
Les disques flottants sont des disques ayant deux degrés de liberté, un axial et un radial, qui
permettent un ajustement parfait du disque par rapport aux plaquettes en toutes circonstances. Ces
disques proviennent directement du Superbike, introduits sur les motos de série en 1996. Les étriers
radiaux ont vu le jour sur nos routes en 2002, et proviennent eux aussi de cette discipline. Néanmoins
nous retiendrons l’apparition du premier étrier de course sur la Ducati 1098, présentée officiellement
en novembre 2006 au salon international de la moto à Milan.
Cet étrier radial à la particularité d’être monobloc, obtenu par moulage haute pression et par usinage.
Il est toujours en aluminium, mais les pistons qui le composent sont désormais en titane. Ce choix de
matériaux est le fruit d’une recherche en gain de poids mais surtout en conductivité thermique. En effet,
le titane a une conductivité thermique de 20W.m-1.K-1
(à 293K) alors que l’acier inoxydable a une
conductivité thermique de 26W.m-1.K-1.
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Les MotoGP sont en quelque sorte des motos ultimes, capables de rouler à plus de 340 km/h, très
légères, faites presque uniquement de carbone, de magnésium de titane et d’aluminium. A ces vitesses là,
la phase de freinage est cruciale, et aucune défaillance n’est permise. Comme en Formule 1, les MotoGP
utilisent des freins en carbone, dont les performances laissent rêveur plus d’un motard.
Ces freins sont composés d’un disque flottant en carbone et de plaquettes de la même matière. Ils ont la
particularité d’être très légers (densité de 1.8 contre 7.85 pour l’acier) mais aussi d’absorber une très
grande quantité de chaleur (d’où leur nom de « puits de chaleur »). Les disques sont en composite, les
fibres de carbone procurent la résistance, et la matrice procure les qualités de friction.
Leur mode d’obtention est bien particulier. La fibre est introduite dans un moule, puis comprimée pour
lui donner une préforme, elle est alors prête à être densifiée. Cette préforme fibreuse est introduite
dans un four où la température est de 1000°C, on y introduit ensuite un gaz qui va libérer du carbone
qui se déposera autour des fibres. Après 500 à 800 heures de cuisson, le produit est entièrement dense
et peut alors subir différents traitements thermiques et être usiné aux dimensions voulues.
Les freins carbone ne disposent pas d’un meilleur coefficient de frottement que les freins en acier, mais
peuvent être utilisés jusqu’à 1600°C sans subir aucune détérioration.
L’efficacité extrême de ce système n’est malheureusement pas applicable à la moto de route, en effet la
température de bon fonctionnement du disque en carbone est de l’ordre de 400°C, ce qui est bien trop
élevé dans des conditions normales d’utilisation, en dessous de cette température, le freinage est très
mauvais voir nul. De plus, sous la pluie, les MotoGP reviennent à un dispositif de freinage classique
acier/acier, ce qui est impossible pour une moto de route au vu de la complexité du montage/démontage des
disques.
Précédemment, nous avons vu l’importance de la fourche dans la phase de freinage, et l’effet néfaste du
phénomène de plongée qui allonge les distances. La MotoGP a à nouveau presque résolu le problème avec
l’introduction des fourches à traitement de surface au nitrure de titane, traitement leur donnant cette
couleur dorée, et assurant à la surface traitée une rugosité quasi nulle. De plus les ressorts de fourche
se voient eux aussi modifiés en conséquence, puisque de l’alliage d’acier, ils passent à l’alliage
d’aluminium. Enfin nous retiendrons le développement d’huiles spécifiques, à la viscosité élevée,
réduisant ainsi les frictions à l’intérieur de la fourche. Ces avancées technologiques ont d’ores et déjà
trouvé application dans la moto de route, et chaque fleuron de gamme est équipé de ces systèmes.
Enfin, nous noterons une dernière évolution en terme de partie cycle ayant directement influence sur le
freinage mais non applicable à la route, qui est l’utilisation du magnésium et de ses alliages dans la
fabrication des jantes. La densité du magnésium est de 1738 kg/m3, ce qui
est bien moindre comparé à celle de l’aluminium qui est de 2700 kg/m3.
Le poids des jantes se voit donc presque doublement diminué.
Néanmoins le magnésium a une structure cristalline hexagonale compacte, il sera donc très rigide mais
aussi très fragile, et son utilisation sur des pièces aussi sollicitées que des jantes ne peut se faire
sur une route imparfaite (nids-de-poule, trottoirs) sous peine de fissurer la jante. Si en plus d’une
petite fissure, la jante est utilisée dans une atmosphère humide, elle va très vite se détériorer, ce
type d’alliage supportant très mal l’eau. Enfin, le magnésium est très facilement inflammable, ce qui
rend le procédé de mise en forme délicat, et non envisageable pour une grande série. Pour l’anecdote,
une jante de voiture de rallye a déjà pris feu à cause de la chaleur dégagée lors d’un très gros freinage.
Le magnésium est donc définitivement incompatible avec une moto de route.
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Le freinage d’une motocyclette est très particulier, et même si le principe reste le même que celui
d’une automobile, l’homogénéité de la moto est primordiale dans tous les cas de freinage. Les
constructeurs oeuvrent donc sur une répartition des masses optimale, afin d’obtenir un équilibre
dynamique idéal. Quoi qu’il en soit les évolutions et les développements actuels issus du MotoGP et du
Superbike se retrouveront demain sur nos routes. L’air du temps est à la gestion électronique du frein
moteur et à la dissociation mécanique du maître-cylindre et de l’étrier, le tout évidemment géré par un
ordinateur. De quoi sera fait demain ? Le freinage électrique serait à notre sens une bonne alternative,
il présente l’avantage d’être très rapide et surtout « inusable ».
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Pour discuter de cet article : Forum Bicylindre SPDT